lundi 10 novembre 2014

Qui est là ?

"Qui est là ? Il y a quelqu'un ?"
C'est d'ordinaire une phrase stupide prononcée par une brune qui se promène (seule) dans une maison hantée où la seule chose qui l'attend est une mort certaine.

"Si il y a quelqu'un, sachez que je suis armée, et pas seule du tout, ah ça non !"
Deuxième tentative désespérée de la brune pour attirer encore plus l'attention de son prédateur. Ses démarches successives ont pour seul effet de permettre une géolocalisation parfaite pour son bourreau. Elle est armée de son Iphone jumelée avec l'application Torch qui lui permet de voir au moins à 50 cm devant elle.

La brune s'enfonce inexorablement dans la maison et au cours de sa visite, prends conscience que la maison est en bordel. Pas juste, mal rangée, c'est le bronx. Il y a des objets partout qui traînent et l'empêchent même d'avancer. Elle tombe ainsi sur un Oscar taille réelle avec son revêtement doré tout élimé. En s'approchant de la statue, elle remarque que cet Oscar est allongée dans une flaque de sang rouge framboise. Donc cette statue aurait pissé le sang ? "Bien sur ma fille, c'est la seule explication logique. Faut arrêter de respirer la farine, ça fait des grumeaux." Puis tout d'un coup, tout s'éclaire, une bouteille de vernis de la même couleur que la flaque de sang, est renversé à côté de la statue. Cela n'est toujours pas très logique mais explique en partie la scène de crime cinématographique. 
Ceci dit, la brune ne comprend toujours rien à ce désastre. Elle incline son portable vers la droite et observe le carnage, des places de cinéma non utilisées jonchent le sol figées dans une énorme autre flaque de ... "vernis ?", suppose t-elle. En effet, la flaque est turquoise, encore plus louche que le rouge-framboise. A sa gauche, des affiches cinés sont réduites en confettis, ça et là. On reconnait quelques têtes d'affiches.

"J'aurais jamais du écouter Braï-âne, c'est vraiment trop flippant ici." Elle tourne les talons et se retrouve alors, nez à nez avec une affiche déchirée sur laquelle se trouve le Joker, l'adversaire légendaire de Batman. Une fois le choc passé, la brune se met à inspecter cette affiche. Quelque chose cloche. Mais quoi ? N'importe qui aurait trouvé bizarre qu'une affiche puisse léviter dans les airs sans autre forme d'explication, mais pas la brune, non. Ce n'est pas ça qui la choque. La vérité est ailleurs. Dans son souvenir, le joker est un personnage charismatique qui sort régulièrement des punchlines d'enfer qui résonnent encore quelques minutes après avoir été prononcées.
"Why so serious ?" ou encore "Let's put a smile on that face !" Bref, des trucs qui annoncent quelque chose de flippant.
Les phrases inscrites ici n'ont rien à voir cela. Elle peut y lire : "On rigole, on rigole, on voit pas le fond du bol", "Ouvert ou bleu, hein ?", "A un moment donné, les résultats, il faut qu'ils sortent !" (bon d'accord, ça c'est flippant), "Porter le gilet, sauve le poulet", "ça pique, ça lance, derrière ça repique et ça relance trop d'la vie, quoi !". 
La brune continue de lire ces phrases sans vraiment comprendre. 

"Alors la moule, on est loin de la mer ?". La brune pensant avoir parlé tout haut, s'étonne tout de même de cette voix gutturale sortie de nulle part. Elle cherche du regard la personne qui aurait pu prononcer cette phrase, mais n'aperçoit personne. Son regard tombe à nouveau sur l'affiche et comprend que le joker vient de s'adresser à elle. 
Après avoir pensé très fort, qu'elle devrait arrêter la picole de manière définitive, le personnage couché sur papier glacé s'adresse de nouveau à la brune. "Bah quoi ? Tu n'as jamais parlé avec un personnage de fiction joué par un acteur décédé ? 
"Euh bah non en fait ! Et comment tu m'as appelé ?"
"La moule ! C'est drôle, non ? Je te rassure c'est pas de moi. Je ne suis pas fait pour faire rire les gens mais j'entends cette phrase souvent en ce moment alors je la reprends."
"Ok ok, c'est passionnant, mais quel est cet endroit ? J'ai reçu un papier avec écrit cette adresse URL, "souviens toi l'année dernière", donc je me suis pointée, mais rien à faire, je ne me souviens de rien."
"Ouais c'est ce qu'on se disait" dit le Joker.
"Mais qui c'est "on" ??"
"Patience, la Brune, tu vas comprendre. Je suis là pour t'aider à te rappeler, pour que tu arrêtes d'oublier. Suis moi."
La brune ne comprend rien à ce qui lui arrive et pense vraiment qu'elle sombre dans la folie. Elle s'imagine rester bloquer dans cette demeure sinistre avec pour seul compagnon, un clown terrifiant et irréel.
La brune perd un peu patience et demande au clown : "Mais qu'est ce que je fais là ?"
"Ce n'est pas la bonne question."
"Qui êtes vous ?
"Ce n'est pas la bonne question."
"Comment vous vous êtes fait ces cicatrices au visage ?"
"Bah en fait, ça dépend, des fois je dis que c'est mon père qui m'a fait ça, des fois... euh merde, non : ce n'est pas la bonne question."

La brune, ravit d'avoir piégé le clown, médite sur sa prochaine question en espérant que ce soit la bonne.

"Qu'est ce qu'il s'est passé ici ?"
"ça c'est la bonne question."
Après plusieurs minutes de silence, la brune reprend : "Du coup, j'ai posé la bonne question et vous ne répondez toujours pas ? Bon bah, je vais pas vous déranger plus longtemps, vous devez surement avoir des tas de choses à faire, des gens à effrayer, une maison à ranger, toussa toussa."

"Nan, mais c'était pour mettre du suspens. De la solennité."
"Oui, bon, je suis suspendue à vos lèvres et je suis solennelle, parlez ou je me casse."
"C'est chez toi."
"Ouais ouais, je sais que je suis bordélique mais là ça frise l'insalubrité quand même."
"C'est chez toi"
"Sans déconner, parlez où ça va mal se mettre !"
Quelques secondes après avoir prononcé cette phrase, la pièce se mit à trembler et un poster presque intact sorti des décombres et s'approcha de la brune. Elle avait beau cligner des yeux à la vitesse de la lumière, ce qu'elle voyait la paralysait sur place. Le poster représentait Alexandre Astier en costume du Roi Arthur, emblème de la série Kaamelott. Sur ce poster, Arthur avait l'ai en pétard contre Perceval.
"Pour changer", pensa très fort la brune avec un début de rictus. 

"Souviens toi, c'est chez toi." dit le Joker avec une voix désenchantée.

"Oui ? 
Vous avez l'air de penser qu'en restant mystérieux, je vais tout piger d'un coup, mais vous voyez bien que je rame, alors aidez moi ! "

"Si je te dis Tom Highway, tu me dis ?"

"Facile, 'Je vais t’arracher le chou et te chier dans le cou.' Beaucoup trop facile."

A l'instar, du poster de Kaamelott, un second poster sorti du bordel général qu'était ce salon. Sur cette affiche, on voyait très clairement Clint Eastwood en costume de Marines qui engueulait ses recrues. Tom Highway est le maître de guerre.

"Roooo la vache ! A chaque fois que je cite un film, Son affiche vient se planter devant moi. Truc de ouf !"

"Est ce que tu commences à comprendre ? Jeune padawan amnésique."
"Je sais, je sais ! Star Wars ! 'Quand 800 ans comme moi tu auras, moins en forme tu seras !'"
Plusieurs posters, ainsi que des livres et des DVDs se mirent en marche vers la brune. Un livre (le retour du jedi) qui était à la traîne accéléra la cadence et se cogna contre le Joker.*

"Ouuutch, tu peux faire attention oui ? J'ai dit padawan comme ça, sans penser à star wars, comme j'aurais pu dire 'petit scarabée' et ..."
"Ah oui petit scarabée, ça vient de karaté k.."
"Ta gueule ! ça va, j'ai compris que tu avais compris. Mais est ce que tu as compris pourquoi chaque fois que tu cites une oeuvre, elle te revient en pleine face ?"
"Parce que je suis une super-héros qui s'ignore et qui va conquérir le monde, hein minus ? 'ah ouais Cortex, tu as raison !'"
A la suite de cette phrase, la télé s'anima et le générique de Minus et Cortex se mit en route.
"Ouaaaah, j'suis vraiment trop balèze !"
"Hey la Brune, tu veux pas arrêter de parler en citation 2 min ? C'est sérieux, ce que je te dis là ! Donc non, tu n'es pas une super-héros. Au risque de me répéter : TU ES CHEZ TOI !"
"..."
"Tout ce qui est ici est à toi et tu l'as entreposé ici, en attendant..."
"En attendant quoi ?"
"Ceci est une question intéressante. Cela fait un an et demi que tu n'as pas foutu les pieds ici. Cela fait un an et demi qu'elle a pris le contrôle de cette maison."
"Mais qui ?"
"ELLE !"

Le joker tourna les yeux vers un coin encore plus sombre de la maison où une créature était tapie dans l'ombre. 
"Qui est là ?" demanda la brune. Comme quoi, c'est vraiment sa phrase préférée.

"La loi c'est moi, et l'ordre. Personne ne rentre, personne ne sort" dit une voix féminine qui ne lui était pas inconnue.
"Pourquoi avez-vous transformé cette maison en champ de batailles de passion ?"
"Pour ton bien, Tu ne devais pas te déconcentrer de ton objectif. JAMAIS. POUR RIEN AU MONDE. Tu sais pourquoi tu as fait ça." dit le voix féminine. 
La créature s’avança dans la lumière. La brune eut un cri d’effroi en reconnaissant cette chose. C'était une sorte de livre à taille humaine avec une couverture verte. Ce manuscrit de 200 pages avait fait la loi pendant 18 mois dans cette baraque et le pire c'est que cette chose était signée de sa main.

La brune se souvient de tout ; la thèse beaucoup trop prenante, ses passions délaissées pendant si longtemps et cette maison abandonnée. Pendant ce temps, la Thèse avanca, menaçante vers la brune.

La brune émit un cri déchirant : STOOOOOOOOP ! C'est fini, tu es rendue et soutenue, tu retournes sur mon bureau et tu arrêtes de faire la loi ici. Mes passions ont le droit de s'exprimer tout autant que toi, bitch !

Derrière, la brune, le Joker versa une larme et lança, dans un rictus machiavélique : "Let's put a smile on that face ! AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA"

...

"Aaaaaaaaaaaaaaahhhhh !
Roo la vache c'était juste un rêve ? C'était si réel pourtant." La brune ensommeillée, assise dans son lit, réfléchit à ce qu'elle avait fait de ses blogs. Rapide coup d’œil : 18 mois d'inactivité.

La brune se promit de remédier à cela et de reprendre l'écriture sur tout ce qui l'intéresse : le ciné bien sur. Mais aussi, les livres, la musique, le nail-art et pleins d'autres choses qui lui tiennent à cœur.

Ne plus oublier ce que l'on aime et qui l'on aime.
Jamais.

A très vite pour de nouvelles aventures avec la Brune...